Anne Niederoest, responsable marketing du mensuel féminin suisse "
Edelweiss" a, à la fois, la grâce des jeunes filles chères à Sofia Coppola et un brin de folie épicée. Je l'ai rencontrée à deux ou trois occasions. Immédiatement, j'ai été séduite par cette belle jeune femme, accueillante et souriante qui a toujours un mot gentil, un geste pour chacun. Sa silhouette longiligne lui permet de porter avec panache les créations à la mode. Pourtant elle n'a rien d'une fashionista qui arbore, copié/collé, les tenues des pages mode des magazines. Elle sait accessoiriser, customiser, détourner, faire twister une pièce avec une autre pour qu'elle devienne "sienne". Anne a le rire communicatif et une personnalité lumineuse qui scintille jusque dans les moindres détails de son allure.
Anne connaît et aime la mode. Ca se voit, ça se sent. Je vous laisse en sa compagnie...
Après des études universitaires commerciales, vous avez travaillé chez Kenzo Parfums puis chez Edelweiss. Est-ce un choix volontaire ou les aléas de la vie ?
Les deux ! Kenzo, c'était un coup de chance ! L'allemand en poche après un séjour berlinois post-étude, ça m'a aidée. Comme tout le monde, j'ai postulé un peu partout et une place s'est libérée. Par hasard. Dans mes activités, j'étais entre autre, attachée de presse de la marque en Suisse et cela m'a permis de rencontrer des journalistes. Un jour, Edelwiss a eu besoin d'une nouvelle marketing manager et Kenzo déménageait à Zürich (je vis à Genève). Mais avant tout, j'ai toujours aimé les médias, j'ai été éduquée avec de la presse à profusion à la maison. Chez Edelweiss, j'aime que mes collègues soient des journalistes qui hument l'air du temps, qui créent, qui ont leur personnalité qui transpire sur le papier... J'aime travailler pour et avec des journalistes.
Besace Avril Gau - Foulard chiné - Bottes de pluie Hunter
Aimez-vous la mode, les vêtements depuis longtemps ?
Depuis toujours. Ca me donne confiance en moi et me permet de me sentir bien dans mes baskets. C'est essentiel pour que je puisse me concentrer sur le reste. Les années passant, je suis peut-être de moins en moins à la recherche du truc à la mode. J'essaie d'être plus à l'écoute de ce que j'aime, de ce qui me va. Chaque achat est très réfléchi (sauf pour quelques coups de coeur): combien de temps vais-je le porter, n'ai-je pas déjà quelque chose de similaire... très ennuyeux, mais véridique !
Chaussures rose Marc Jacobs et sandales Erotokritos - Boucle d'oreilles rose anciennes, broche et clip d'oreilles que je mets dans les cheveux (tous les 3 chinées aux puces) - Boucles d'oreilles de
Nathalie Rossel
Votre premier émoi modeux...
16 ans, octobre, premier voyage à Londres, j'avais gagné un peu d'argent et je suis entrée chez Topshop, par hasard… Pour la petite histoire, j'avais une garde-robe totale à refaire, car je sortais d'une école privée catholique réservée aux filles et je débarquais au gymnase de la Cité à Lausanne, très grunge à l'époque. Je vous laisse imaginer le choc des cultures. J'ai donc pu me procurer t-shirts, Doc Martens, etc. et me fondre dans la masse de mon école. Ensuite a commencé la valse des t-shirts à effigie comme Pearl James, Smashing Pumpkins, Blur.
Mais, l'émoi modeux le plus important fut sur les marchés de Paddington, Bondi Beach et Glebe, par exemple, à Sydney en Australie. Imaginez: il fait beau, il fait chaud et il y a plein de stands avec des petits créateurs qui vendent leurs trésors à des prix plus qu'abordables, du vintage, des accessoires, des objets, plein de bonnes choses à manger bio, tout le monde a le sourire, ça fait rêver. Je n'en suis toujours pas revenue et depuis je rêve de ne pouvoir porter que des shorts en jeans avec des petits tops légers et des tongs, et pourquoi pas de créer un jour quelque chose de similaire en Suisse…
Est-ce que travailler à la rédaction d'Edelweiss a changé votre rapport aux vêtements ?
Totalement, car j'ai pu découvrir plein de petites marques intéressantes, faire connaissance avec des créateurs suisses, des propriétaires de boutiques, mais aussi des collègues ou des rencontres de travail fashionistas. Attention chez Edelweiss, on est très décontractés, on sait être à l'aise la plupart du temps et faire des efforts quand on en ressent le besoin.
Bottines Johanna Ho et Caravella - collier, cadeau d'une copine de New-York - Boucles d'oreilles fétiches de L'Autre
Inévitablement ces contacts ont créé plus d’envies ?
Evidemment, j'ai plus d'envies, car on voit, touche, découvre tellement de choses, mais en même temps on devient rationnel face à la profusion des tentations, sinon c'est sans limite (mon côté rationnel). Je n'ai pas beaucoup changé mon budget, mais je suis plus réfléchie et je sais davantage ce qui est intéressant ou pas. J'essaye de doser, d'acheter éthique ou bio, de revendre, de donner mes vieilles pièces avant de me refournir. Ma garde-robe est revue de fond en comble au moins 3-4 fois par an.
Chez vous, il y a toujours le petit détail qui diffère des autres, un accessoire, une barrette… Où dénichez-vous ces trésors ?…
Vous trouvez? C'est gentil (rire)… Pourtant, je n’ai pas l’impression que ce soit tous les jours une réussite…. Les trésors, s’il y en a, je les trouve petit à petit, sans faire exprès, sans même chiner particulièrement. En général quand j'en achète un, je ne me rends pas compte qu'il va le devenir. C'est ce genre de pièces qui deviennent le petit détail qui donne une forme aux choses. Par exemple, j'ai acheté il y a plein d'années un petit foulard de rien du tout en super soldes chez Rouge de Honte*à Lausanne (Aujourd'hui : Camille) et c'est devenu une ceinture de jeans pendant longtemps et maintenant je m'en sers comme ceinturon. Ou dernièrement j'avais un événement où il fallait accessoiriser les hôtesses, j'avais donc plein de serre-têtes H&M avec un gros nœud. Il m'en restait un sur mon bureau, que j'ai commencé à mettre comme ça pour rire.Je n'avais jamais pensé qu'un gros nœud sur ma tête m'irait, ça m'a fait même bizarre en me regardant dans le miroir la première fois et maintenant je le mets de temps à autres. Quand on manque de peps, c'est souvent le petit détail qui fait qu'on se sent un peu mieux et qui détourne l’attention des cernes ou du teint fade.
Mais le plus important. La mode, c’est avant tout une
question de proportion (leçon d’une amie, la styliste
Redley Exantus). Depuis je garde toujours cette petite phrase en tête quand je me retrouve devant le miroir, même si, bien sûr, y a des jours avec et des jours sans.
Quelles sont vos adresses pour les vêtements ?
Entrons dans le vif du sujet. Pour les boutiques genevoises officielles: H&M ou Zara pour tous les jours, sinon pour les petits cadeaux soldés ou pas: Because I love, L'Adresse, Telle mère telle fille, Paradigme, Ma vie sur mars, Wunderchic, mais aussi : Maje, Sandro, Septième Etage, etc.
Ensuite: je chine un peu aux puces de Plainpalais, chez Caritas, Emmaüs et dans les marchés lorsque j'ai la chance de voyager.
Et bien sûr toutes les créations suisses que j'achète au
Showroom Edelweiss ou ailleurs. Quand je voyage, j'en profite toujours pour remplir ma malle. Dernier week-end à Londres pendant les Fêtes, les soldes venaient de commencer, le rêve…. Alors: COS avant tout (la marque d'H&M qui n'est pas encore en Suisse), Urban Outfitters, (Topshop, impossible, trop d'hystérie), Liberty, les boutiques de Brick Lane et Shoreditch, Harrods,….
Attention, j'ai des budgets: un pendant l'année et l'autre pendant les soldes.
Avez-vous des tenues de base, des indispensables ?
Mon jeans noir délavé H&M que j'ai depuis 4 ans qui va bientôt me lâcher. Je le porte 1 jour sur 3 à peu près, sinon tous leurs jeans sont parfaits. En ce moment, car il fait froid, des pulls en cachemire, je m'en offre un par saison pas plus (encore cette rationalité) et ils me durent des années et des années. J’ai aussi des tonnes et des tonnes de sous-pulls en coton (Petit Bateau, American Apparel,…), puis il y a les indispensables du moment: parfois c'est mes vieilles Nike, en ce moment c'est ma collection de bottines qui se marient bien avec les jeans, mes écharpes,… et 2-3 tops, qui vont avec tout. Mes 3 sacs : le Royal Blush, la besace Avril Gau et le Missoni chiné au Mouton à 5 pattes.
Pull Paul & Joe Sister - le fameux jeans noir H&M - Montre Cape Code Hermes - Chaussures Caravela - Sac Missoni
Votre plus grande folie (modeuse !) ...
Un sac en cuir
Royal Blush** (plus il vieillit, plus il devient beau) et une robe noire Ikou Tschüss, 2 créateurs suisses, je les adore, ce sont des pièces spéciales, intemporelles, faites avec soin. Mes chaussures Marc Jacobs (pas très original, mais bon) que je me suis offerte comme cadeau de grossesse aux Galeries Lafayettes et mes bottines Johanna Ho achetées par hasard en soldes au Septième Etage (j'adore leur choix de chaussures), elles ne me quittent plus depuis 4 ans.
Mon rêve de l'hiver prochain: un beau manteau comme ceux de Meryl Streep dans Kramer contre Kramer et une tenue
Tutia Schaad.
Sac Royal Blush et écharpe Collection 66
Robe Ikou Tschüss
Vous êtes l'instigatrice du Showromm Edelweiss. Que pensez-vous de la mode suisse ?
Il y a 4 ans, j'ai plutôt rassemblé, organisé les énergies et les envies de plusieurs membres de la rédaction pour donner forme à un événement qui a pour but de soutenir la création suisse. L'idée étant d'offrir une plateforme expo-vente aux stylistes, ce qui n'existait pas auparavant. La mode suisse mérite d'avoir une place importante dans nos garde-robes, elle est belle, foisonnante, elle dépasse souvent le cadre suisse, je pense par exemple à
Ikou Tschüss qui est apparu dans tous les magazines français,
Tutia Schaad qui à la suite de son défilé berlinois a été perçue comme la nouvelle Jil Sander,
Redley Exantus, qui a notamment défilé lors d'Ecochic aux Nations-Unies en janvier,
Collection 66 qui a beaucoup de succès au Japon, je ne peux pas tous les citer, mais ils ont chacun quelque chose de spécial qui mérite notre attention.
La mode suisse n'est pas ou peu soutenue par des prix ou des bourses, les créateurs travaillent souvent avec des artisans locaux ou à travers des filières qu'ils contrôlent de près. Acheter de la mode suisse, c'est non seulement soutenir la création d’ici, mais également une certaine forme de consommation locale. Et c'est bon pour mon karma ! Car acheter local, en plus du plaisir de porter de belles pièces, c'est un peu éthique !
Top Kel Ewey
p.s. en cliquant sur les liens colorés, vous tomberez sur la page des créateurs concernés
*L'ancienne propriétaire a gardé le nom de la boutique.
Rouge de Honte est devenue sa marque de créatrice.
** mon billet sur les sacs RB,
ici