Le titre, ce verbe commun, presque banal devient un mot bien plus profond au terme de la lecture du livre de Sophie Fontanel. Il raconte que lorsque nos parents vieillissent, nous grandissons. Grandir est reconnaître ce que nos parents ont fait pour nous. Remercier de ce que nous sommes en partie grâce à eux et, enfin, seulement, on devient "grand", on devient soi. On peut rendre. Non pas comme un dû, comme un comptable radin et aigri. Non, offrir à notre tour l'Amour emmagasiné.
C'est vrai que pour se plonger dans "Grandir", il vaut mieux avoir une maturité et une conscience qui dépassent notre propre nombril. C'est vrai que ce livre m'a semblé très féminin, très enveloppant et maternel comme peuvent être les femmes. C'est vrai que je voue une admiration à son écriture. C'est vrai que lorsque je l'ai rencontrée (ici), j'étais fébrile et apeurée. C'est vrai que ce livre me conforte dans l'image que je me faisais d'elle : humaine et pleine de bonté. Sans penser à tout cela, j'ai lu son bouquin, presque vierge.
Il est découpé en chapitres. Chacun raconte un épisode, une anecdote, une tranche d'existence. Ce lien entre sa maman et elle, l'humour commun, le goût du beau qui n'a pas disparu malgré les ans. Vieillir/grandir ou grandir/grandir ? L'une et l'autre découvrent ce passage nouveau de la vie. Et cette maman au verbe fin, à la malice touchante. Cette maman qui dit : ...ne prie pas pour moi...ne va surtout pas me faire repérer..." Elle a une manière émouvante de formuler les choses, maman Fontanel : "Ce n'est pas l'amour qui meurt, c'est même pas le désir. Je vais te dire ce qui meurt, c'est ce à quoi on ressemble." J'ai pleuré sur cette phrase, en comprenant qu'on allait y arriver là, tous , un jour. A ce moment où il faudra, non seulement, faire une pagaille de deuils mais aussi celui de soi.
Sophie aime les mots, les simples, les purs, qui, ensemble, forment des phrases qui nous transportent dans un morceau de vie universelle et cruciale. Certaines phrases sont des citations uniques, à lire et relire tant elles tombent dans nos coeurs, parfaites et nobles. Un livre à offrir à nos mamans comme un mot d'Amour pudique.
Je termine par une discussion entre elles, un dialogue qui montre et quel Amour les unit et quelle grande fille et belle personne est Sohie Fontanel. Grâce à sa maman et à la chance qu'elle s'est offerte en décidant de s'occuper d'elle.
... C'est alors que, d'une voix où ne pointait aucune ironie, aucun dédain, aucun ascendant, aucune cruauté, elle me fit cette remarque :"Je te demanderais de te jeter par la fenêtre, tu le ferais."
On sait comment ça se passe. Parfois, nulle ironie, nul dédain, nul ascendant, nulle cruauté, pourtant on s'insurge, on a l'instinct de tout prendre mal. C'est en nous, c'est dans l'enfant en nous. Je ne sais pas pourquoi, j'ai eu la force d'entendre qu'elle ne voulait pas m'agresser, qu'elle essayait de me dire autre chose, de constructif, quelque chose que je n'avais jamais voulu accueillir en moi. Et moi :"Bien sûr que je le ferais. Si tu me le demandais, ça voudrait dire qu'on serait au rez-de-chaussée..."
J'eus son sourire céleste à ma maturité...
Sophie Fontanel est née à Paris. Journaliste pour le magazine Elle. Elle a créé le personnage de Fonelle (elle en mieux, en pire, en plus délire) dont on peut suivre les aventures toutes les semaines dans le Elle et dans quelques livres. Son blog "La vraie vie de Fonelle" est ici et fait partie de mes lectures incontournables du net. Elle a remporté le prix du Premier Roman en 1995 pour "Sacré Paul, auteure aussi de : "Le plus jeune métier du monde" et "Le savoir-vivre efficace et moderne". Grandir est sorti le 23 août 2010 dans les librairies et que vous dire, si ce n'est de vous ruer sur lui pour en ressortir grandis....